Deux grenoblois dans le sud

Deux grenoblois dans le sud

ISERE : Le Monastère de la Grande Chartreuse

Désert de Chartreuse avec le Monastère et le Musée

 

Le Monastère de la Grande Chartreuse

 

Situé à 1190 m d'altitude et 2 km au dessus du musée, le Monastère, implanté par Saint-Bruno en 1084, au fond de la vallée, dans le Désert de Chartreuse, est toujours aujourd'hui un lieu de vie monastique, voué au silence et à la prière des moines. Il ne se visite pas.

 

Depuis ma tendre enfance et la première fois que j'ai visité le musée « La Correrie », réplique parfaite du Monastère et de la vie des moines, je ressens une certaine fascination pour ces Moines, pour moi particuliers, et sur ce que j'ai pu voir en entendre les concernant ! Bien que totalement Athée, avec une grand A, ce mode de vie, s'il est tel que présenté, m'interpelle !

 

La Correrie ou Musée de la grande chartreuse

 

Situé dans le Massif de la Chartreuse, ce bâtiment du XIIe siècle, a fait partie du monastère de la Grande-Chartreuse. demeure des frères chartreux du XIIe au XVII siècle. Rénovée dans son état d'origine, la Correrie nous fait entrer dans l'univers de silence et de solitude du Chartreux.

 

En cheminant de l'Eglise au cloître, en traversant une cellule de moine, on découvre la vie telle qu'elle est vécue à l'intérieur du monastère. De nombreux audio-visuels, films et photographies racontent l'histoire de l'Ordre des Chartreux et nous aident à comprendre cette vocation.

 

Moi, je l'ai visité de très nombreuses fois, le musée et je suis toujours restée très septique en ressortant, comment vivre une vie sans parler (moi qui suis bavarde, ça je ne peux pas comprendre !), comment peut-on passer des heures enfermé dans une cellule, retiré du monde, déconnecté de la planète, se coucher et se lever à des heures totalement décalées, comment peut-on ne jamais sortir sinon pour une promenade en forêt ? Les Moines ne sortent que le lundi pour une promenade dans la montagne et pour ramasser certaines fleurs qui composent leur fameux breuvage. Ils sortent par une porte dérobée, jamais par le portail principal trop souvent assailli de touristes curieux. Il faut quand même savoir que la très grande partie des fleurs utilisées pour fabriquer la Chartreuse viennent de l'étranger, Nos montagnes, certes, recèlent de trésors mais bien insuffisants pour distiller les millions de litres de chartreuse fabriqués…

 

Malgré toutes mes heures de balades et de planque autour du monastère, je ne les ai jamais vu sortir… par contre, un jour lors d'une balade autour du Monastère, nous sommes montés un peu plus haut jusqu'à la Croix et là, oh surprise, un frère Chartreux était en train de la repeindre, regards croisés, discrets, pas un mot même pas bonjour, shut… silence, on passe son chemin. Une autre fois, installés au dessus du Monastère à l'orée des bois, nous avons vu un Frère Chartreux rentrer dans un bâtiment, un Père traverser la Cour. Moments rares…

 

Les  caves de Chartreuse, Voiron.

 

Pour subvenir aux besoins de l'Ordre, les Chartreux ont été tour à tour, éleveurs, imprimeurs, enlumineurs, maîtres de forge, herboristes, pharmaciens, et enfin depuis le XVIIème siècle, distillateurs et liquoristes. C'est la société CHARTREUSE DIFFUSION qui, depuis 1970, est chargée du conditionnement, de la publicité et de la vente des produits élaborés par deux Chartreux.

  

La Chartreuse Verte, 55° dite "Liqueur de Santé", est mise au point en 1764. Son succès est immédiat, mais limité à la région dauphinoise. La Révolution Française de 1789 disperse les moines. En 1793, par mesure de prudence, on fait exécuter une copie du précieux manuscrit que garde le seul religieux autorisé à rester au Monastère, un autre Père conservant toujours sur lui l'original. Arrêté puis envoyé à Bordeaux, ce dernier trouve le moyen de faire passer hors de sa cellule le document à un autre moine réfugié près du Monastère. Ne pouvant pas faire usage du secret et pensant que l'Ordre des Chartreux ne serait jamais rétabli, il en concède une copie à un pharmacien de Grenoble, Monsieur LIOTARD

 

A la mort de Monsieur Liotard, les documents reviennent au Monastère de la Grande-Chartreuse que les moines ont regagné en 1816. En 1838, la formule est adaptée pour produire une liqueur plus douce et moins alcoolisée, la Chartreuse Jaune, 40°. En 1903, les Chartreux sont expulsés de France. Ils emportent leur secret et implantent une distillerie à TARRAGONE en Espagne pour la fabrication de la liqueur. Liqueur qu'ils fabriqueront également à Marseille des 1921 et jusqu'en 1929, sous le nom de "Tarragone". Les moines retrouvent alors l'usage de l'appellation CHARTREUSE ; ils reprennent la distillation en France, dans leur ancienne distillerie de Fourvoirie construite en 1860, proche du Monastère de la Grande Chartreuse. Ces bâtiments sont détruits en 1935 par un éboulement de terrain. La fabrication est alors transférée à VOIRON, où elle est toujours réalisée, après le travail de sélection des plantes effectué à l'intérieur même du Monastère.

 

Investis de cette mission par leur Ordre, deux Chartreux travaillent dans le plus grand secret et sont seuls à connaître les détails de la production. Aujourd'hui comme hier, la formule reste un mystère que les méthodes modernes d'investigation n'ont pu percer. Seuls deux Frères Chartreux connaissent les noms des 130 plantes et savent comment les mélanger et les distiller. Ils sont aussi les seuls à savoir quelles plantes utiliser pour donner les couleurs naturelles vertes et jaunes. Ce sont eux qui contrôlent le lent vieillissement de la liqueur et décident quand la liqueur est prête à être embouteillée. Les liqueurs fabriquées par les Pères Chartreux ne contiennent aucun additif chimique. Leurs couleurs mêmes proviennent des plantes qui les composent. Mises d'abord à macérer dans un alcool sélectionné, les 130 plantes énumérées dans la recette sont ensuite distillées. Les alcoolats produits sont additionnés de miel distillé et de sirop de sucre pour obtenir les liqueurs Verte ou Jaune qui doivent longuement vieillir en foudres de chêne avant d'être commercialisées.

 

Si l'on prolonge son vieillissement, la Chartreuse acquiert une qualité particulièrement remarquée ; on la désigne sous l'appellation "Chartreuse V.E.P."  (Vieillissement Exceptionnellement Prolongé). Aujourd'hui, outre la chartreuse verte et la chartreuse jaune, la Société commercialise de nombreuses autres liqueurs tells que l'élexir végétal, les Génépis, l'eau de noix, les liqueurs de fruits et la gentiane des Pères chartreux, ainsi que toute une panoplies d'alcools divers et variés, bien éloignés de la bonne vieille Chartreuse.

 

L'abus d'alcool est dangereux pour la santé, buvez modérément…


Il était une fois... une belle rencontre...

 

En 1993, toujours aussi septique sur la vie des Chartreux, j'étais assise à mon bureau de secrétaire médicale quand le téléphone a sonné : « Ici l'intendant du Monastère de la Grande chartreuse, je souhaiterais prendre rendez-vous avec le Docteur XXXXXX pour l'un de nos Frères »… Surprise, très surprise et puis le professionnalisme reprend le dessus, j'organise ce rendez-vous un peu insolite en dehors des consultations et explique bien à l'intendant que, compte-tenu de la personnalité du patient, il sera reçu seul dans le cabinet, à l'abri des regards. Remerciements.

 

Le jour J arrive, j'étais seule, le chirurgien encore au bloc en train d'opérer quand « IL » est arrivé. Un moine, en tenue de moine, rustique et sobre, il est grand, souriant. Accueil courtois, je suis quand même un peu tendue. Je l'installe confortablement juste à côté de moi, lui fais un dossier administratif très sommaire et forte de mes connaissances sur leur vie, je me tais, respectueuse, attendant l'arrivée du médecin dans le silence. Mais le téléphone rompt ce silence, c'est le bloc qui m'avertit d'environ 30 mn de retard supplémentaire, à moi de gérer…

 

Je présente les excuses du médecin, les miennes, courtoisement et là en quelques secondes toutes mes certitudes s'écroulent, il engage la conversation, très simplement, comme n'importe qui, me dit qu'il a le temps, qu'il est patient… il me demande mon prénom, on parle de tout et de rien, il serait presque bavard…  et enfin j'ose aborder, curieuse, le sujet de sa vie au Monastère ; je pose plein de questions, avide de tout connaître et Frère M.........., sans aucun tabou, m'explique qu'il passe beaucoup de temps à lire les journaux, écouter les informations, ils sont parfaitement au courant de ce qui se passe sur la planète, totalement connecté aux réalités du monde d'aujourd'hui, ont des véhicules à disposition pour assurer leurs divers rendez-vous auxquels ils se rendent sans chauffeur comme vous et moi. Il ont la télévision, bien sûr pas dans les cellules, faut peut-être pas exagérer quand même ! ils communiquent entre eux, notamment au moment de la lecture des journaux, et avec d'autres Ordres à travers le monde. Ils travaillent aussi, à l'intérieur du Monastère, travaillent la terre, ont des animaux de ferme, cultivent leur potager, gèrent à tour de rôle leur quotidien… ils sortent en promenade à travers le Désert de Chartreuse, mais toujours dans la discrétion ; En dehors de tout cela, le silence et la prière sont malgré tout, une part très importante de leurs journées mais aussi de leurs nuits. Finalement, ils ont une vie presque « normale », mais dans un environnement très calme et serein, avec la foi et le "costume" qui va avec, en plus…

 

Le médecin arrive, excuses. Frère M................ se lève, me salue… Je viens juste de rencontrer un Moine Chartreux, je suis malgré tout émue par les 50 minutes que je viens de vivre. C'était une belle rencontre, complètement inattendue qui m'a laissé un souvenir très particulier.

 

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13/09/2010
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