Deux grenoblois dans le sud

Deux grenoblois dans le sud

2010 DROME et ISERE : La Résistance : le Maquis du Vercors

La Résistance intérieure française, appelée la Résistance, désigne l'ensemble des mouvements et réseaux clandestins qui durant la seconde guerre mondiale ont poursuivi la lutte contre les collaborateurs sur le territoire français depuis l'armistice du 22 juin 1940 jusqu'à la Libération de 1944. Cette lutte a consisté en des actions de renseignement, de sabotage ou des opérations militaires contre les troupes et aussi les forces du régime de Vichy. Mais elle englobe aussi des aspects plus civils et non-violents, ainsi l'existence d'une vaste presse clandestine, la diffusion de tracts, la production de faux papiers, l'organisation de grèves et de manifestations, la mise sur pied de multiples filières pour sauver les prisonniers de guerre évadés, les réfractaires au STO et les juifs persécutés. La Résistance a pu se manifester en ville comme à la campagne, surtout après la naissance des maquis au printemps 1943.

 

Le Maquis du Vercors

 

Le Vercors, massif montagneux où s'est tenu le plus célèbre des maquis, est appelé, depuis les évènements de l'été 1944, «citadelle de la liberté», devenant un des symboles français de la Résistance. Le mot maquis fait référence à une forme de végétation méditerranéenne, une forêt touffue. Les maquis sont des groupes de résistants français ou étrangers (Italiens, Tchèques, Polonais, Espagnols) à lʼoccupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, cachés dans des régions peu peuplées, forêts ou montagnes. Les maquis créés par des groupes de résistants de la première heure, voient affluer dès 1943, de jeunes réfractaires au STO (Service du Travail Obligatoire). Cette forme de clandestinité est possible lorsque le terrain sʼy prête et que la bienveillance et le soutien des populations locales, fermes isolées ou petits villages, permettent la vie des maquisards. Un signe distinctif qui permettait de reconnaître les maquisards était le port du béret basque, puisqu'il était assez répandu pour ne pas éveiller de soupçons mais en même temps assez explicite.

 

 

La vie quotidienne nʼy est pas simple, le problème du ravitaillement se fait sentir chaque jour (il faut vivre de chasse et de cueillette), on y apprend la patience et le maniement des armes, on épie les forces dʼoccupation. Le 6 juin 1944, à lʼannonce du débarquement en Normandie, des milliers dʼindividus enthousiastes vont rejoindre le maquis du Vercors.

 

Le Plan Montagnards

 

Dès mars 1941, Pierre Dalloz et Jean Prévost conçoivent un plan qu'ils réussissent à faire accepter par Yves Farges, Jean Moulin, le général Delestraint et la "France combattante" : le "Plan Montagnards" En 1942, des militants socialistes de Grenoble (Aimé Pupin, Eugène Ferrafiat, Paul Deshières, Eugène Chavant…) sont à l'origine des premiers camps de réfractaires. Le massif accueille surtout de nombreux jeunes maquisards au STO, refusant d'aller travailler en Allemagne ; ils sont alors hébergés dans le Maquis. Le 6 juin 1944, à l'heure du débarquement de Normandie, environ quatre cents hommes se trouvent dans le Vercors, mal armés. Le 8 juin, Descour, chef militaire régional, demande à Huet, chargé de commander l'ensemble du dispositif militaire du Vercors, d'appliquer le bouclage du plateau prévu dans le Plan Montagnards. L'ordre de mobilisation est lancé, les hommes montent au Vercors. Cette affluence ne pourra être freinée malgré les recommandations venant de Londres. Plus de quatre mille hommes se retrouvent alors dans le massif. Les armes manquent cruellement, Descour tente un appel au secours : «enthousiasme premier fléchit devant carence armement... Mobilisation ordonnée sur assurance formelle recevoir armements. non-exécution immédiate promesse créera Vercors situation dramatique. Descour lance des appels au secours le 11 juin, tant à Londres qu'à Alger. Les combats font rage de Saint-Nizier à Valchevrière, la Wehrmacht ayant déployé près de quinze mille soldats. La bataille se solde par la mort de 639 résistants et 210 civils.

 

La résistance du maquis permit de retenir plusieurs divisions allemandes au moment des débarquements en Normandie et en Provence. A la fin de la guerre, le village de Vassieux-en-Vercors fut élevé au rang de Compagnon de la Libération, honneur rare qu'il partage avec Paris, Nantes, Grenoble et l'île de Sein. Un mémorial a été bâti au centre de Vassieux puis plus tard au col de la Chau, au-dessus du village, en l'honneur des maquisards. Il a été inauguré par Edouard Balladur en 1994.

 

 Au total, le Vercors a coûté 639 tués aux combattants et 201 aux civils. Seulement une centaine d'allemands ont été tués dans les combats et une cinquantaine de blessés sont décédés par la suite à Grenoble. 573 maisons ont été détruites, 41 habitants de Vassieux déportés. Les maquis furent dissous par De Gaulle à la Libération.

 

Chronologie des évènements :

  

Le Maquis du Vercors dans l'histoire, en quelques dates

 

Juin 1940 : La France battue et envahie demande l'armistice, le pays est coupé en deux, "la zone occupée" au nord et à l'ouest, "la zone libre" au centre et au sud-est. Le Vercors est dans cette dernière, il est l'un des massifs refuges pour de nombreux étrangers et français persécutés et en exil.

 

Mars 1941 : Aux Côtes de Sassenage, au pied du massif du Vercors, Pierre Dalloz et son ami Jean Prévost imaginent de transformer le Vercors en "Cheval de Troie pour commandos aéroportés".

 

Novembre 1942 : Les Allemands envahissent la zone libre, l'armée d'Armistice est dissoute, quelques officiers rejoignent la résistance, cachent des armes et créent des camps.

 

Décembre 1942 : Dalloz et Jean Prévost proposent leur plan à Yves Farges, journaliste au "Progrès" de Lyon et interlocuteur de Jean Moulin. Pendant ce temps, le 1er maquis du Vercors voit le jour à la ferme d'Ambel.

 

Janvier 1943 : Jean Moulin accepte le projet de Dalloz. Beaucoup de jeunes réfractaires du S.T.O. montent se cacher dans le Vercors : d'autres camps s'organisent.

 

Février 1943 : Le Général Delestraint, commandant en Chef de l'Armée Secrète, et Jean Moulin entérinent le projet qui deviendra le "Plan Montagnard". Celui-ci sera approuvé par le Général De Gaulle et les Alliés. Un groupe animé par le Général Alain Le Ray est chargé de l'organisation militaire de ce plan.

 

Novembre 1943 : Le 13, le 1er grand parachutage allié d'armes et de ravitaillement a lieu dans la plaine d'Arbounouze.

 

29 janvier 1944 : Le camp de Malleval est anéanti par les Allemands et la milice française.

 

De janvier à juin 1944 : Les incursions de l'ennemi seront plus fréquentes et meurtrières : aux Barraques-en-Vercors, au Monastère d'Esparron, à Saint-Julien-en-Vercors.

 

Juin 1944 : L'ordre de mobilisation est lancé à tous les maquis de France, des volontaires de toute la région montent dans le Vercors, pour aider les maquisards et les réfractaires. Le Plan Montagnard entre en action : le plateau et ses issues sont verrouillées. Ce sont en tout 4000 hommes qui se trouvent sur le massif. Le 13 juin 1944, les combats font rage à Saint-Nizier du Moucherotte, et dès le 15 juin, les Allemands réussissent à repousser les résistants et montent provisoirement dans le Vercors.

 

Le 21 juillet 1944 : 15 000 hommes sont lancés à l'assaut du Vercors, et en moins d'une semaine, le Vercors tombe dans les mains de l'ennemi. Le Plan Montagnard n'a pas fonctionné : "C'est du ciel qu'ils attendaient leur salut, c'est du ciel qu'a surgit la mort".

 

Le 22 juillet 1944 : Combats au Pas de l'Aiguille et au hameau de Valchevrière.

 

Quelques figures de la Résistance en Vercors

 

Marcel DESCOUR dit Bayard ou Durand, né en 1899, commandant puis colonel, responsable Organisation de Résistance de l'Armée de Lyon et chef d'Etat - major de la région militaire

 

Alain LE RAY dit Rouvier ou Bastide ou Ferval). Né en 1910. Il fut chef militaire du Vercors (mai 1943 - janvier 1944) puis chef des Forces Françaises de l'Intérieur de l'Isère du 13 mai 1944 au 22 août 1944. En décembre 1943, Alain Le Ray, premier chef du Vercors démissionne à la suite d'un parachutage confus sur le Vercors à Darbonouse.

 

Eugène CHAVANT dit Clément , agent de maîtrise chez Neyret -Beylier, maire de St Martin d'Hères de 1935 à 1940, révoqué par Vichy.  Responsable de "Franc-Tireur", un des fondateurs de la "France Combattante". En 1942, il participe au Comité Départemental de Libération Nationale. Chef civil du Vercors. Il remplace Aimé Pupin comme chef civil du Vercors après l'arrestation de celui-ci. Né le 12 février 1894 à COLOMBE, décédé le 28 janvier 1969 à Grenoble. Résistant français, Compagnon de la Libération. Militant socialiste entre les deux guerres, il est maire de Saint Martin d'Hères, poste qu'il quitte pour entrer dans la clandestinité. Combattant de l'ombre, il participe au mouvement de résistance Franc-tireur en 1942 sous le pseudonyme de Clément et devient ainsi le chef civil du plateau du Vercors. Devant les attaques allemandes, s'estimant abandonné, il n'hésite pas à critiquer Alger  à la veille du débarquement pour leur dire "Alors quoi?, est-ce que vous vous moquez de nous?" En mai 1944, il se rend à Alger, réclamer armes et troupes. Il est membre du Comité Départemental de Libération National de l'Isère  A la libération, on lui propose le poste de préfet qu'il refuse. Il préfère se retirer dans une retraite digne et triste avec le sentiment d'avoir été abandonné par les alliés, ce qui augmente encore son prestige. Il repose depuis 1969, date de sa mort, au Mémorial National de Saint-Nizier du Moucherotte, près de son compatriote François Huet.

 

 

François HUET dit Hervieux. Commandant militaire du Vercors à partir de mai 1944. Il a commandé toutes les opérations de l'été 1944, décidant entre autres du repli sur la partie sud après la défaite de Saint-Nizier. Il a également donné l'ordre de dispersion et de nomadisation après les attaques en masse des Allemands sur le Vercors, fin juillet 1944.

 

Roland COSTA de BEAUREGARD dit Durieu. Il assiste Le Ray pour l'étude militaire du Plan Montagnards, puis s'occupera de l'instruction militaire des volontaires du Vercors.  Après la nomination de Huet, il sera responsable militaire de la partie nord du Vercors.

 

Narcisse GEYER dit Thivollet.  En novembre 1942, il quitte Lyon pour le massif du Grand-Serre avec une cinquantaine d'hommes du 11e Cuirassiers. Il constitue le 1er Corps Franc de la Drôme. Il assurera le commandement militaire du Vercors entre la démission de Le Ray et la nomination de Huet. Ensuite, il sera responsable militaire de la partie sud du Vercors.

 

Jean PRÉVOST dit Goderville, (1901-1944), écrivain et critique littéraire, capitaine de réserve, commandant d'une compagnie de chasseurs alpins dans le Vercors. Il fut tué aux Côtes de Sassenage, le 1er août 1944 les armes à la main sous le nom de Capitaine Goderville dans une embuscade alors qu'il quittait le maquis du Vercors. Quelques heures plus tôt disparaissait l'un de ses amis, Antoine de Saint-Exupéry.

 

Pierre DALLOZ : Architecte, Inspecteur des Sites, participe au Groupe de Haute Montagne, auteur du Plan "Montagnard". En février 1943 : Londres donne son appui au projet "Montagnard" d'utilisation stratégique du Vercors imaginé par Pierre Dalloz. Obligé de s'enfuir à Alger, il ne saura rien des derniers combats du Vercors libre et n'apprendra que plus tard la mort de son ami Jean Prévost à quelques mètres de sa maison. Il fera construire à ses frais le monument du Pont Charvet à l'endroit où est tombé l'écrivain.

 

Léa BLAIN : Agent de liaison de la mission "Eucalyptus". Elle fuyait le Vercors en compagnie de Jean Prévost. Abandonnant ses compagnons entre Corrençon et Villard car elle avait les pieds en sang, elle fut surprise par une patrouille allemande à la Croix des Glovettes. Elle fut tuée les armes à la main (une mitraillette et un revolver), le 1er août 1944 à l'âge de 22 ans. Son compagnon de fuite, Rémi Lifschitg, fut tué juste avant elle, touché par l'explosion d'une grenade. Léa Blain est morte après avoir reçu une balle dans la tête. L'officier allemand qui commandait le groupe qui la tua fit saluer sa dépouille, rendant hommage à ses qualités de combattante.

 

Yves FARGE : Homme politique français né le 19/08/1899 à Salon de Provence décédé le  31/03/1953 dans un accident d'automobile à  Tbilissi (URSS). Commissaire de la République pour la Région Rhône-Alpes en avril 1944. Journaliste au Progrès de Lyon, membre du 1er Comité de Combats du Vercors, Chef du Comité d'Action contre le Déportation (à partir de 1943).

 

Général DELESTRAINT : Chargé d'organiser l'Armée secrète. Né le 12/03/1879, décédé le 19/04/1945 à DACHAU, général français, héros de la Résistance, premier Chef de l'Armée secrète. Il est arrêté par la Gestapo le 09/06/1943 quelques jours avant l'arrestation de Jean Moulin. Après une série d'interrogatoires où la torture est pratiquée, le général Delestraint est placé en détention à la maison d'arrêt de Fresnes en juillet 1943 puis, déporté au camp de Struthof en Alsace. Déporté au camp de Dacha en septembre 1944, il sera abattu, sur ordre, d'une balle dans la nuque le 19/04/1945 quelques jours avant l'arrivée des Alliés. Son corps est incinéré au crématoire du camp.

 

Et tant d'autres… qui ont écrit l'histoire tragique du maquis du Vercors, combattants  anonymes respectables qui ont donné leur vie pour que le mot liberté reste inscrit sur les frontons de nos mairies.

 

Le commandant Pierre Tanant  en parlant du Maquis du Vercors a écrit :

 

«Il est quelque chose de plus important que de savoir si le Vercors est justifiable sur le plan stratégique, c'est de savoir s'il l'est sur le plan moral...  Sur ce vaste plateau, des Français de toutes origines et de toutes opinions ont su se grouper et s'unir avec la seule ambition d'échapper à la servitude... Tant de sang versé a fait de ces montagnes une terre sacrée, une terre qui doit être maintenant respectée comme un sanctuaire où le flambeau de notre liberté a été rallumé, comme l'un des berceaux de la Renaissance française»

 

J'ai visité le Mémorial de Vassieux il y a quelques années, On ne peut pas rester insensible... mais on peut espérer que dans l'avenir...  "plus jamais ça"...

 

 

Crédit photo : Joëlle BONNIER, Musée de la Résistance, Maison du Patrimoine de Villard-de-Lans, Le dauphiné Libéré.

 

Source des figures de la Résistance : CHRONIQUE DES MAQUIS DE L'ISERE de Paul et Suzanne Sylvestre, Editions Presse Universitaires de Grenoble

 


 

 

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14/01/2010
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